Les biais cognitifs pendant les soldes, 5 exemples concrets qui nous poussent à l’achat

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Les biais cognitifs pendant les soldes, 5 exemples concrets qui nous poussent à l’achat

5 exemples de biais cognitifs concrets qui nous poussent à l’achat

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Ouvrons notre Larousse — poussiéreux pour certain·e·s — promis on ne dira rien — et arrêtons-nous à la définition du mot « biais ». Défini comme un « moyen indirect et habile de résoudre une difficulté », un biais cognitif est en réalité un mécanisme inconscient qui peut fausser notre jugement et nous empêcher de prendre une décision rationnelle.

Pour traiter l’information et prendre des décisions, le cerveau a cette tendance naturelle à fonctionner par approximations et raccourcis, c’est ce que l’on appelle plus communément des heuristiques. Ce mode de fonctionnement se révèle très utile, mais il peut également entraîner des erreurs. Voyons cela ensemble.

Help : heuristiques ou biais cognitifs ?

Le mot heuristique est un dérivé du grec ancien εὑρίσκω, heurískô (« trouver ») (il partage d’ailleurs la même racine que l’interjection eurêka !). Pour Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel d'Économie en 2002, les heuristiques sont des « règles approximatives » (rule of thumb) de la pensée que l’on emprunte pour simplifier une tâche complexe. Imaginez un instant une boîte à outils adaptative dans laquelle nous piochons afin de répondre aux problèmes qui se présentent à nous — allégorie imaginée par Gerd Gigerenzer, psychologue allemand. On utilise ces outils pour choisir ce que l’on doit retenir d’un cours ou d’une formation. Cette boîte contiendrait également d’autres capacités et mécanismes tels que la mémoire ou encore la reconnaissance (ce qui nous permet de reconnaître un visage par exemple).

Si les heuristiques nous permettent bien souvent de trouver des réponses satisfaisantes très rapidement, elles peuvent aussi mener à des jugements incorrects. Certains parlent alors de biais cognitifs ou psychologiques. En réalité, le biais peut aussi bien être interprété comme négatif ou positif. On comprend pourquoi ce sujet est si complexe… Dans la suite de l’article, nous considérerons le biais cognitif sous son aspect défavorable : dans les exemples que nous allons vous présenter, notre cerveau a tendance à nous jouer des tours.

L’origine des biais psychologiques : comment nous sommes devenus des humains au cerveau feignant

Depuis l’introduction du concept au début des années 1970 par les psychologues Amos Tversky et Daniel Kahneman, les biais cognitifs font l’objet de nombreuses recherches en sciences cognitives et en psychologie.

Selon la théorie évolutionniste, les capacités de notre cerveau auraient évolué en fonction des défis auxquels l’humain a été confronté : se nourrir, reconnaître les dangers rapidement, se reproduire, etc. La pression environnementale exercée par ces nécessités aurait induit le développement de certains attributs. Ces attributs auraient à leur tour favorisé l’émergence des heuristiques que nous avons évoquées précédemment.

Le biais cognitif vs le jugement

Il est alors légitime de se demander si l’ensemble de nos jugements sont le fruit de raccourcis de la pensée. L’évolution des sociétés nous a permis de résoudre des problématiques de plus en plus complexes. Or, les outils que nous utilisons désormais quotidiennement mettent à mal notre libre arbitre et encouragent notre cerveau à ne fonctionner que par heuristiques.

Soyez rassuré·e·s, à l’heure actuelle, un consensus existe sur le fait que nos jugements ne sont pas tous le produit d’une heuristique. Dans un contexte où ni le temps ni les connaissances ne nous font défaut, le jugement délibéré, informé et éclairé peut être le résultat d'une réflexion rationnelle. Ouf, nous sommes sauvés.

Les soldes, truffées de ruses pour nous faire avoir à coup sûr

Mais alors, quel rapport avec les soldes me diriez-vous ? Les promotions nous influencent non seulement d’un point de vue économique, mais aussi d’un point de vue émotionnel. La plupart des marques n’ont qu’un seul objectif pendant cette période : éveiller notre fièvre acheteuse. Et pour complexifier encore plus les choses, il existe selon le codex de John Manoogian 188 biais cognitifs. On n'est loin d’être sorti·e·s d'affaire !

Cognitive bias codex en

« Remise exceptionnelle à ne pas rater », « prix cassés », « -70% : derniers jours pour en profiter ! » sont des formules que nous connaissons tou·te·s. Pour déjouer les ruses des grandes enseignes de mode, il est d’abord nécessaire de les comprendre. Et pour ça, vous êtes au bon endroit !

Le syndrome FOMO ou la peur de rater quelque chose (Fear of Missing out)

En périodes de soldes, les magasins physiques et virtuels inondent les réseaux sociaux et autres médias pour vanter leurs promotions. Cette saturation publicitaire exerce une influence puissante sur les consommateur·rice·s, créant l’impression qu’un événement social majeur avec des opportunités uniques a lieu. À vos yeux, il ne faut surtout pas passer à côté de ce rendez-vous !

L’idée marketing derrière la création de ces rendez-vous commerciaux est de nous faire anticiper le regret de ne pas en profiter, alors que, dans les faits, l’argent dépensé ne sera peut-être pas compensé par l’acquisition d’un bien qui correspond vraiment à nos besoins. En somme, vous achetez seulement parce qu’il y a une réduction et non parce que vous en avez réellement besoin.

Notre solution :

L’important ici est de savoir ce que vous voulez et ce dont vous avez besoin. Comme une liste de courses si vous préférez ! L’avantage de cette liste est qu’elle va vous aider à vous tenir à ce qui s’y trouve et ne pas acheter votre énième petite robe noire ou chemise blanche de façon impulsive. Grâce à elle, vous pourrez aussi préparer la période des soldes : en repérant les pièces en amont, vous ferez attention au prix et donc au futur gain que vous pourrez réaliser. De cette façon, les marques n’auront aucun moyen de vous tromper !

L’effet d’ancrage : le pouvoir des chiffres sur notre jugement

Faisons une expérience simple. Vous vous retrouvez devant un manteau au prix initial de 150€ soldé à 99€. Quelle affaire !

Détaillé en 1989 par les psychologues Russo et Shoemaker, l’effet d’ancrage repose sur le fait que nous attribuons plus de valeur à une chose en nous référant à une valeur de départ qui nous est donnée. Lorsque nous devons prendre une décision, notre cerveau ne retient pas l’ensemble des éléments pertinents : pour simplifier une décision, il ne sélectionne qu’une information à partir de laquelle il va pouvoir comparer toutes les autres.

Dans notre exemple, notre cerveau va naturellement utiliser la première information qu’il perçoit comme point de référence (150€, qui est ici le prix d’ancrage) afin de former son jugement par rapport à la deuxième information fournie (99€). Tout est une affaire de point de référence pour donner l’impression au consommateur qu’il est gagnant et non perdant. Normal que vous tombiez dans le piège.

Le biais cognitif d'ancrage

Ce biais cognitif est très puissant et a été étudié à de multiples occasions depuis les années 70. Ces diverses expériences ont démontré 3 points importants :

  1. N'importe quel chiffre peut nous ancrer, même quand le chiffre est sans lien avec le sujet,
  2. plus le chiffre est précis plus l’ancrage sera puissant,
  3. tout le monde est sujet au biais d’ancrage !

Notre solution :

Le biais d'ancrage est notre tendance naturelle à utiliser la première information disponible comme point de référence, alors que nous devrions plutôt utiliser l’information pertinente. C’est celle-ci que nous allons devoir véritablement chercher. Et même si le cerveau compare, évalue et ajuste (ce qui nous donne cette illusion de prendre une décision rationnelle), il le fait autour du prix « ancré ». Eh oui, notre cerveau préfère plutôt choisir la voie la plus facile et rapide…

Alors, pour limiter ce biais, il faut donner tout autant de poids aux premières informations qu’à celles qui viennent ensuite. Parfois, ignorer complètement les premières informations s’avère aussi utile. Donc si vous voyez sur une annonce qu’un produit est exceptionnellement à 499€ au lieu de 899€, demandez-vous si ce produit vaut réellement 499€. Ne laissez pas les 899€ vous influencer.

Tout cela est accentué avec l’effet de primauté

Pour aller encore plus loin, l’effet du chiffre de gauche est lié à la manière dont nous comparons les prix, par exemple 5,99€ et 6€. Inconsciemment, notre cerveau se fixe d’abord sur le chiffre 5 et aura tendance à penser que le prix 5,99€ est beaucoup plus intéressant que 6€. Par effet d’ancrage, 5 devient notre point de référence, chiffre plus petit que 6 évidemment. C’est bien pour cette raison que les marques abusent des prix se terminant par 9.

De tous les biais présentés ici, il est probable que vous n’en reteniez qu’une partie, et c’est tout à fait normal ! L'effet de primauté est la tendance à mieux retenir la première information que nous rencontrons plutôt que les informations suivantes. Mis en lumière par le psychologue Solomon Asch au milieu des années 1940, c’est un peu comme essayer de se rappeler les décimales de Pi : les premières sont généralement connues de tou·te·s, mais quand on arrive à la 5ème, ça commence à coincer — en même temps, avec 62 800 milliards de chiffres après la virgule, ce n'est pas une mince affaire…

Notre solution :

Rassemblez les informations ! En prenant le temps de faire des recherches lors de vos achats, vous ne serez pas aussi facilement influencé et vous pourrez prendre des décisions à partir des meilleures informations disponibles.

Maintenant que vous savez ce qu'est l'effet de primauté, prenez le temps et essayez de remarquer son utilisation dans votre vie quotidienne. Lorsque vous avez fini de lire un article, demandez-vous ce dont vous vous souvenez. Prenez le temps de décrire tout ce que vous avez appris, sans vous focaliser sur les informations qui viennent d'être présentées au début. En exerçant ces habitudes, vous pouvez être plus conscient et éviter les biais d’ancrage et de primauté. C’est l’heure de travailler la plasticité de votre cerveau… à vos marques, prêt, partez !

L’effet de rareté, quand il n’y a plus j’en veux encore !

Beaucoup de détaillants et magasins communiquent sur le caractère temporaire et éphémère de leurs promotions ou sur les stocks limités des soldes. Cet effet de rareté donne de la valeur au bien mis en évidence et vous aurez tendance à acheter plus en ayant peur de manquer cette promotion, que la rareté soit avérée ou non.

Cette ruse est facilement reconnaissable par des injonctions du type : « plus que quelques jours pour profiter… » ou « il ne reste plus que 2 exemplaires en stock », pratique récurrente lors des émissions de téléachat et sur les sites d’e-commerce. Robert Cialdini, psychologue social américain, a réalisé dans les années 90 une expérience où il proposait un produit à des clients au téléphone. Le panel était réparti en 2 groupes : pour le groupe A (témoin), l’offre était permanente, pour le groupe B, Cialdini leur précisait que l’offre expirait dans quelques jours. Le chiffre d’affaires du groupe B était considérablement plus important que celui du groupe A.

Le biais cognitif de rareté

L’effet de rareté crée un sentiment d’urgence et de concurrence avec les autres personnes qui vont nous pousser à agir, mais pas seulement. Elle instaure une forme d’anxiété qui va générer du cortisol, l’hormone du stress, qui affecte les capacités cognitives. Le cortisol, à l’inverse de la dopamine qui booste nos facultés, va avoir tendance à « geler » notre cerveau et favoriser les décisions rapides et irréfléchies. Notre cerveau reptilien va, par instinct de survie, chercher à combler un manque potentiel. La solution est rapide et toute trouvée : l’achat impulsif permet de libérer une dose de dopamine, appelée plus communément l’hormone du plaisir, qui va soulager le stress et même participer à une sensation de bien-être. Désolé, vous êtes tombés dans le piège…

Notre solution :

Prendre conscience de l’existence de ce biais est la première étape pour le contrer. Si vous pensez céder, faites un pas en arrière — ou levez-vous si vous êtes adeptes du shopping en ligne — et demandez-vous si vous auriez autant envie de ce produit s'il était dans une corbeille parmi 100 autres. Vous pouvez enfin vous posez la question suivante : la rareté fait-elle la qualité ? Ce biais nous pousse à croire qu’un bien rare est de bonne qualité alors qu’il est aussi et surtout désirable. Retenons bien que la qualité n’est pas intrinsèquement liée à la rareté.

Le biais de rationalisation post-achat, le mécanisme qui nous rassure après être tombés dans le panneau

Le biais de rationalisation, c’est notre tendance à nous persuader que l’achat que nous venons de faire était une bonne décision. « Cette paire de basket à 100€ était absolument nécessaire pour me remettre à la course à pied », « il me fallait absolument ce 12ème superbe sac pour être tendance », etc… Rien de surprenant.

Une étude réalisée en Grande-Bretagne en 2015 montre que plus de 80 % des clients regrettent leurs achats après être passés à la caisse (c’est ce qu’on appelle aussi le « remords du consommateur »). Aussi est-il temps de dire stop !

Notre solution :

Si on applique toutes les solutions précédentes, on ne devrait plus avoir de regrets après nos achats, non ? 😉

La nécessité d’entraîner notre cerveau

La première chose à faire pour lutter contre ces biais cognitifs est de s’informer. Jusque-là, rien d'étonnant. Mais en étant conscient de ces ruses utilisées par les marques, nous pouvons adopter un regard plus critique et précis. Nos décisions n’en seront que plus éclairées et justes.

Le dernier conseil que l’on pourrait vous donner est de vous recentrer sur l’essentiel et de ne pas faire systématiquement les soldes. Environ 70% de nos vêtements dorment dans nos placards (Source : Lucy Siegle, To Die for: Is Fashion Wearing Out the World), alors adoptons des méthodes pour résister à l’envie frénétique d’acheter.

En plus, après de nombreuses révélations d’abus pendant la période des soldes, on sait depuis plusieurs années que certaines marques produisent une collection spéciale soldes : les produits paraissent semblables mais sont de moins bonne facture (pas de doublure, 3 boutons au lieu de 4, pas de renfort, etc.) car fabriqués en réalisant des économies. Donc, si vous êtes certain·e de faire une affaire, n’oubliez pas de vous attarder sur les détails !

La boîte à outils pour lutter contre ces biais

Si les biais émergent d’une boîte à outils comme l’illustre Greg Gigerenzer, pourquoi ne pas s’en créer une nouvelle, capable de contrer ces erreurs de jugement ?

Vous connaissez probablement la méthode BISOU sur le bout des doigts (si ce n’est pas le cas, rendez-vous ici), nous allons vous présenter une technique similaire tout aussi efficace : la règle des 3 (merci à Cécile de Dream Act). Cette méthode toute simple consiste à se poser ces 3 questions qui nous permettent d’éviter de surconsommer et de réduire les achats impulsifs (parce que tout ce dont vous avez besoin, vous l’avez déjà, oui oui !).

  1. En aurez-vous encore envie dans 3 jours ?
  2. Pouvez-vous concevoir 3 tenues avec ce vêtement et ceux que vous possédez déjà ?
  3. Pouvez-vous le porter à 3 occasions différentes ?

Allez, on vous donne un dernier outil : la checklist des pratiques promotionnelles dont il faut se méfier !

Au nom de toute l’équipe SLOWEARE , on espère que cet article vous apporte quelques réponses et outils pour consommer de façon plus éclairée et responsable. N’hésitez pas à le partager à vos proches !

Sources :

Pour aller plus loin :

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