L’impact social, sanitaire et environnemental de l’industrie textile

Les dessous de l’industrie textile

La mode est sans aucun doute l'une des industries les plus puissantes et influentes du monde. Elle représente environ 6% de la consommation mondiale et génère plus de 2 000 milliards de dollars. Malheureusement, l'industrie de la mode est également l'une des plus polluantes au monde, avec des impacts dévastateurs sur l'eau, les sols, les écosystèmes et les populations locales, et elle émet plus de gaz à effet de serre que les transports aériens et maritimes combinés[1] !

La mode est étroitement liée à d'autres domaines tels que l'agriculture, l'artisanat, les transports, l'énergie et les ressources en matières premières. Les problèmes causés par l'industrie de la mode ont donc des implications bien au-delà de la simple question des vêtements. Cependant, cela peut aussi être une opportunité de changer les choses pour le mieux ! La mode éco-responsable vise à trouver un équilibre juste et équitable entre toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur. En adoptant des pratiques plus durables et responsables tout au long de la chaîne de production, de la conception à la distribution en passant par la fabrication, nous pouvons réduire l'impact négatif de l'industrie de la mode sur l'environnement et les communautés.

Quelle est l’origine du mal qui ronge l’industrie textile ?

Vous avez sûrement entendu parler de la fast fashion, ce phénomène qui a bouleversé le monde de la mode ces dernières décennies. Il s’agit de ces marques qui nous font miroiter des vêtements à la pointe de la tendance, à des prix dérisoires, et qui renouvellent sans cesse leurs collections. Certaines arrivent même à mettre en ligne jusqu’à 400 nouveautés par semaine ! Comment font-elles ? En produisant en masse, à moindre coût, et en accélérant le rythme de la chaîne de valeur. Mais à quel prix pour la planète et les travailleurs du textile ?

Le gaspillage vestimentaire, symptôme visible d’une consommation effrénée

Chaque année, en Europe, nous jetons 4 millions de tonnes de textiles, 80% sont déposées dans les poubelles pour ordures ménagères, la plupart finissent dans les décharges ou les incinérateurs. (Source Ademe : La mode sans dessus-dessous). Ce gaspillage colossal a des conséquences désastreuses pour la planète et pour les êtres humains :

  • La production mondiale de vêtements dépasse 140 milliards de pièces par an, soit une surproduction qui ne correspond pas aux besoins réels des consommateurs. Source : Une mode éthique est-elle possible, Majdouline Sbaï, Edition Rue de l’échiquier
  • La fast fashion nous incite à acheter toujours plus, souvent sans réfléchir. Entre 2000 et 2015, notre consommation de vêtements a doublé. Source : Institut national de l’économie circulaire
  • Nous portons très peu les vêtements que nous achetons. 70 % d’entre eux restent au fond de nos armoires. Source : Lucy Siegle, To Die for: Is Fashion Wearing Out the World, 2011
  • Nous jetons des vêtements qui sont encore en bon état, ce qui représente une perte économique de 395 milliards d’euros par an. Source : QQF, La mode sans dessus-dessous, avec le soutien de l’ADEME, 2018
  • 1/3 des vêtements produits ne trouvent pas preneur et sont détruits ou bradés. (600 000 pièces en France)
  • 1/3 des vêtements vendus le sont à prix soldé, ce qui dévalorise le travail des créateurs et des artisans.
  • Seulement 2% des travailleurs du textile touchent un salaire décent, qui leur permet de vivre dignement. Source : Dona Thomas, Fashionopolis, 2020
  • Selon la fondation Ellen MacArthur, nous jetons ou brûlons 2 625 kilos de vêtements chaque seconde. Si nous continuons ainsi, nous produirons 150 millions de tonnes de déchets textiles par an d’ici 2050
  • Pour vous donner une idée du volume de ces déchets, NeoMam Studios a imaginé combien de temps il faudrait pour remplir des monuments célèbres avec des vêtements. Par exemple, l’Empire State Building serait plein en moins de 5 heures !
  • En France, nous jetons en moyenne 12 kg de vêtements par an et par personne.
  • Les rebuts représentent environ 15% de la production totale

Pour bien comprendre les enjeux, voici un panorama (non exhaustif) de l’impact de l’industrie textile.

Des risques sociaux

L’industrie textile de la fast fashion repose sur un système qui participe à l’augmentation des inégalités sociales.

Le travail forcé

La Chine est le premier producteur mondial de coton, mais derrière cette matière naturelle se cache une réalité effroyable : le travail forcé des Ouïghours. Cette minorité musulmane subit une répression brutale de la part du régime de Pékin, qui les enferme dans des camps de travail où ils sont exploités et torturés. Des ONG ont révélé l’existence de ces camps, où seraient détenus arbitrairement près de 2 millions de personnes, simplement à cause de leur religion. Le coton produit dans ces conditions inhumaines se retrouve dans les vêtements que nous achetons : environ 20% du coton mondial proviendrait des camps ouïghours.

Le harcèlement

Le harcèlement au travail est une réalité quotidienne pour des millions de femmes qui travaillent dans l’industrie textile. Au Bangladesh, en Inde et ailleurs, elles sont exposées à des violences verbales, physiques ou sexuelles, sans pouvoir se défendre ni se protéger. Les lois qui sont censées les protéger sont souvent ignorées ou bafouées, et elles craignent les représailles si elles osent dénoncer leur situation. L’ONU estime que 27 millions de personnes dans le monde sont réduites à l’esclavage moderne, contraintes de travailler sous la menace ou la coercition. Dans le secteur du textile, 60% des ouvriers en Inde et au Bangladesh ont subi du harcèlement, selon Fashion Revolution.

Le travail des enfants

Des millions d’enfants sont exploités dans le monde, privés de leur enfance et de leur éducation. Au Bangladesh, par exemple, 15 % des enfants qui vivent dans les bidonvilles de Dacca travaillent à temps plein dès l’âge de 6 ans. Ils gagnent 30 euros par mois pour 64 heures de travail par semaine. À partir de 14 ans, la moitié d’entre eux rejoignent les usines textiles, où ils sont exposés à des conditions de travail inhumaines.

Cette situation dramatique s’est aggravée avec la pandémie de Covid 19, qui a fait basculer 160 millions d’enfants dans le travail forcé en 2020, selon une étude de l’Unicef publiée à l’occasion de la journée mondiale du travail des enfants. C’est une augmentation de 8,4 millions en quatre ans, et une première depuis vingt ans. Les plus touchés sont les enfants de 5 à 11 ans, souligne Anousheh KARVAR, présidente de l’Alliance 8.7 (partenariat mondial engagé à éradiquer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage moderne d’ici 2030). Non seulement plus nombreux, mais aussi plus vulnérables, les enfants travailleurs sont confrontés à des risques accrus pour leur sécurité, leur développement, leur éducation et leur santé.

L’Unicef dénonce que 79 millions d’enfants effectuent des travaux dangereux, soit 6,5 millions de plus qu’il y a quatre ans. Le travail des enfants concerne principalement l’agriculture (70 %), mais aussi les services (20 %) et l’industrie (10 %), dont le secteur textile.

Deux conventions de l’OIT encadrent le travail des enfants :

⚖️ la convention n° 138 de l'OIT sur l'âge minimum d'admission à l'emploi ;
⚖️ la convention n° 182 sur les pires formes du travail des enfants.

Ces conventions sont dites conventions « fondamentales ». Cela signifie que tous les États membres de l'OIT ont l'obligation de respecter et de promouvoir l'abolition du travail des enfants, même s'ils n'ont pas ratifié les conventions en question.

Des risques sanitaires

Définition du Comité mixte OIT/OMS sur la Santé au Travail : « La santé au travail vise à promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions ; prévenir tout dommage causé à leur santé par leurs conditions de travail ; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé ; placer et maintenir les travailleurs dans un emploi convenant à leurs capacités physiologiques et psychologiques ; en somme, adapter le travail à l’homme et chaque homme à son travail. »

L’industrie du textile est loin de respecter ce cadre légal.

L’agriculture

Nos vêtements sont fabriqués à partir de fibres naturelles, comme le coton, le lin ou la laine, qui proviennent de l’agriculture. La culture intensive du coton utilise des quantités importantes de pesticides, qui sont nocifs pour l’environnement et pour la santé des travailleurs agricoles. Selon les estimations, entre 1 et 3 % de ces travailleurs dans le monde seraient victimes d’une intoxication aiguë aux pesticides chaque année. Les symptômes sont variés et graves : brûlures oculaires, migraines, maux d’estomac, fièvres, mais aussi cancers, maladies neurologiques, épilepsie, infertilité.

Les teintures

Parmi les risques sanitaires qui présentent un risque de mortalité accru sur le long terme, on peut citer les métaux lourds, le formaldéhyde et les phtalates qui sont contenus dans les colorants synthétiques susceptibles de perturber le système hormonal et d’augmenter les risques de cancer pour les salarié·e·s du textile. Au Bangladesh, une ouvrière textile meurt au travail tous les 2 jours (produits chimiques)[2].

Mais ce n’est pas tout, seulement 80 % de la teinture s’accroche au vêtement tandis que les 20% restants sont rejetés lors du rinçage. Ce n’est pas moins de 40 000 à 50 000 tonnes de colorant qui sont rejetés dans les cours d’eau chaque année, rendant ainsi son exploitation impossible pour la pêche et la consommation. En Chine, on parle de “villages cancer” bordant les rivières (sur)polluées comme la rivière Li à Xiantang.

D’autres produits chimiques comme les PFAS, les CMR, les gaz de fumigation et autres substances CMR (Cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) sont présentes dans nos habits et accessoires. Selon Oeko-Tex, entre 4 000 et 8000 substances chimiques sont utilisées par les usines, on les retrouve sous d’innombrables formes : soit directement sur les produits (traces), soit sous forme de déchets.

Les maladies respiratoires

Certaines opérations de transformation comme le sablage des jeans ou le flocage de fibres synthétiques type velours sont à l’origine de maladies respiratoire comme la silicose dues à l’inhalation de poussières de silice ou de fibres synthétiques type polyester, acrylique ou nylon.

Les troubles musculosquelettiques

Des postes de travail, des outils et des machines mal conçus, des travaux de manutentions, associés au système de production en continu (travail à la chaîne), comportent de graves risques d’affections musculosquelettiques.

Les risques psychosociaux

Les risques psychosociaux (RPS) sont des situations de travail où sont présents, combinés ou non, du stress, des violences internes ou externes, du harcèlement ou de l’épuisement professionnel. Ces risques peuvent avoir des conséquences négatives sur la santé physique et mentale des travailleurs, ainsi que sur le fonctionnement des entreprises.

Dans le secteur de la mode, les risques psychosociaux peuvent être liés à :

  • la pression temporelle et la charge de travail pour respecter les délais et les exigences de qualité ;
  • la concurrence et la précarité du marché qui peuvent générer de l’insécurité et de l’incertitude ;
  • la créativité et l’innovation qui peuvent être sources de stress ou de frustration ;
  • les relations de travail qui peuvent être conflictuelles ou dégradées ;
  • le manque de reconnaissance ou de valorisation du travail effectué ;
  • le haut niveau d’exigence et de perfectionnisme attendu.

Le bruit peut faire partie des risques psychosociaux, car il peut être source de nuisance, de gêne ou de dérangement pour les personnes exposées. Le bruit peut aussi avoir des effets sur la concentration, la communication ou la qualité du sommeil, entraîner des troubles de l’audition, des accidents ou du stress

Le manque de justice sociale

Les salaires

Un salaire est qualifié de vital quand il permet la satisfaction des besoins fondamentaux d’une travailleuse et de sa famille, tout en laissant une part de revenu discrétionnaire (capacité à épargner). À ne pas confondre avec un salaire minimum légal imposé par la loi dans certains pays.

Les défis quotidiens auxquels les travailleurs et travailleuses mal rémunérés doivent faire face ne sont pas uniquement de nature financière. Ils rencontrent aussi d’autres problèmes liés à la pauvreté : malnutrition, accès limité aux soins de santé, manque de sécurité sociale, logements insalubres, accès limité à l’éducation et participation restreinte à la vie culturelle et politique.

Seuls 2% des ouvriers et ouvrières du textile gagnent un « salaire vital », c'est-à-dire une somme suffisante pour couvrir leurs besoins fondamentaux : loyer, alimentation, eau, habillement, santé, protection sociale, éducation, transport. Pour maximiser leurs marges, certains industriels se tournent désormais vers l’Éthiopie, où le salaire minimum s’élève à 26 dollars par mois.

C’est un problème majeur de justice sociale.

Les femmes « exploitées »

Généralement peu représentées dans le milieu industriel, le secteur de la mode emploie 80% de femmes. 75% d’entre elles vivent en Asie, généralement dans des conditions précaires avec leur famille dans des bidonvilles à proximité de leur lieu de travail. À Guangdong en Chine, les jeunes femmes font plus de 150 heures supplémentaires par mois. 60% n’ont pas de contrat, 90% n’ont pas de sécurité sociale.

Les ouvrières du textile représentent 60 millions de travailleurs dans le monde, avec un volume horaire journalier de 12 heures pour un gain d’environ 1,5 centimes par pièce.

Des risques environnementaux

Pollution de l’eau

La production textile est l’une des activités les plus polluantes au monde, représentant 17% à 20% de la pollution de l’eau, selon la Banque Mondiale. L’industrie textile est également le troisième secteur le plus consommateur d’eau après la culture du blé et du riz, avec une empreinte hydrique de plus de 69% de la production mondiale de fibres textiles. Cela signifie que le simple fait de cultiver le coton pour produire des vêtements consomme une quantité énorme d’eau.

Mais ce n’est pas tout : l’industrie textile pollue également plus de 20% des eaux mondiales, malgré le fait qu’elle utilise seulement 4% de l’eau potable disponible.

Ces chiffres alarmants ont des conséquences directes sur la vie des populations, puisque d’ici 2028, deux tiers de la population mondiale feront face à une pénurie d’eau. La sixième limite planétaire, relative à la quantité d'eau douce disponible, a été franchie[3]. Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'eau est une ressource essentielle pour la vie humaine, animale et végétale. Il est donc primordial de prendre des mesures pour réduire la consommation d'eau dans l'industrie textile, et promouvoir une utilisation responsable et durable de cette ressource vitale.

La pollution aux microfibres

La mode est une source majeure de pollution des océans par les microfibres, ces petites particules de plastique ou de fibres naturelles qui se détachent de nos vêtements à chaque lavage. Selon une étude européenne, la mode serait à l’origine de 20 à 35% des microplastiques présents dans les océans, ce qui représenterait plus de 500 000 tonnes par an[4].

Ces microfibres sont invisibles à l’œil nu, mais elles ont des effets néfastes sur la faune et la flore marine, et même sur notre santé. Elles peuvent être ingérées par les poissons et les crustacés, et se retrouver dans notre assiette. Elles peuvent aussi transporter des substances chimiques toxiques ou des bactéries.

Quelle que soit la matière de nos vêtements, qu’elle soit synthétique ou naturelle, elle libère des microfibres à chaque lavage. La quantité de fibres relâchées augmente avec la température de l’eau. Les stations d’épuration ne sont pas capables de filtrer plus de 85% de ces microparticules, qui finissent toutes dans les mers et les océans.

Cette pollution est un problème environnemental et sanitaire majeur, qui nécessite une prise de conscience collective et des actions urgentes.

Émission de gaz à effet de serre

Selon les différentes études, la mode serait responsable de 2 à 12% des émissions de gaz à effet de serre, ces gaz qui réchauffent la planète en piégeant la chaleur du soleil dans l’atmosphère. Cela représente plus de 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an, soit plus que les vols internationaux et le transport de marchandises réunis.

Si nous continuons à consommer autant de vêtements, l’industrie textile pourrait représenter 26% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050[5]. Or, pour respecter l’accord de Paris et limiter le réchauffement à moins de 1,5°C, il faudrait que la mode divise ses émissions par 3[6]. Les engagements actuels des marques sont loin d’être suffisants pour y parvenir.

Quelles sont les sources de ces émissions ? Elles proviennent principalement de la production des vêtements dans les pays où l’énergie est très carbonée, comme la Chine ou l’Inde. La fabrication des matières premières, le tissage, la teinture, le lavage… tout cela consomme beaucoup d’électricité issue du charbon ou du gaz. Les émissions liées au transport, à la distribution ou au lavage des vêtements sont moins importantes.

Quelles sont les conséquences de ces émissions ? Elles contribuent au changement climatique, qui entraîne des phénomènes extrêmes comme les sécheresses, les inondations, les canicules ou les ouragans. Elles affectent aussi la biodiversité, la qualité de l’air, la santé humaine et la sécurité alimentaire.

Que pouvons-nous faire pour réduire ces émissions ? Il faudrait acheter moins de vêtements, privilégier ceux qui sont fabriqués localement ou avec des énergies renouvelables, et favoriser une utilisation circulaire des vêtements, c’est-à-dire les réparer, les revendre ou les recycler. Mais il faudrait aussi que les marques s’engagent davantage à réduire leur impact environnemental et à être plus transparentes sur leurs pratiques.

Le bémol pour les marques qui mettent en place une démarche éco-responsable : elles se retrouvent souvent désavantagées.

Les retours clients

Les retours clients sont un phénomène courant dans le commerce en ligne. Lorsqu’un produit ne convient pas, le client peut le renvoyer et obtenir un remboursement. Mais que deviennent ces produits retournés ? Quel est leur impact sur l’environnement ?

Selon une enquête de Jessica Stolzmann[7], journaliste finlandaise, certains articles sont envoyés dans des centres de « management du retour » situés en Pologne et en Estonie. Ces centres estiment que les articles abîmés dont le prix de vente se situe sous la barre des 60 euros ne valent pas la peine d’être lavés ou réparés, puis renvoyés en magasin. Ils sont donc donnés à des organisations associatives ou revendus à d’autres entreprises. Ces dernières décident généralement de les vendre en dehors de l’Europe où ils finissent dans des boutiques locales ou détruits dans des régions où la gestion des déchets est peu encadrée.

Ce processus génère une quantité importante de gaz à effet de serre, de pollution et de gaspillage. Au niveau de l’UE, on estime que 3 milliards de colis sont retournés chaque année, l’équivalent de l’empreinte écologique d’une ville moyenne européenne. Le bilan environnemental du e-commerce est ruiné par les retours produits. De plus, les retours sont un véritable casse-tête logistique pour les e-commerçants, qui doivent assumer les coûts et les risques liés au transport, au stockage et au traitement des produits retournés.

Le rejet des NPE et des perfluorocarbures (PFC)

Les vêtements que nous portons peuvent avoir un impact négatif sur l’environnement et la santé. En effet, certains textiles contiennent des substances chimiques dangereuses, comme les nonylphénols éthoxylés (NPE) ou les perfluorocarbures (PFC), qui se libèrent lors du lavage ou de la mise en décharge des vêtements.

Les NPE sont des agents tensioactifs utilisés dans la fabrication des vêtements pour les rendre plus doux ou plus colorés. Lors du lavage, ils se dégradent en nonylphénol simple (NP), une substance toxique qui s’accumule dans les sédiments, atteint la nappe phréatique et se retrouve intégrée dans la chaîne alimentaire par bioaccumulation[8]. Le NP est un perturbateur endocrinien qui peut affecter le système hormonal, le développement et la reproduction des organismes vivants.

Les PFC sont des agents déperlants utilisés pour rendre les vêtements imperméables, notamment les vêtements de ski. Ils sont persistants dans l’environnement et s’infiltrent dans l’eau, dans l’air et dans le corps humain. Les PFC sont également des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les PFC ont un potentiel de réchauffement global (PRG) de 6 500 à 9 200, ce qui signifie qu’ils sont des milliers de fois plus puissants que le CO2 pour piéger la chaleur dans l’atmosphère[9].

Des risques d’uniformisation des cultures

Uniformisation des préférences globales

La mode est un secteur en pleine mutation, qui doit faire face aux défis de la mondialisation et du numérique. Les marques internationales doivent plaire partout dans le monde, en s’adaptant aux goûts et aux besoins des consommateurs de différents pays et cultures. Mais cette adaptation ne conduit-elle pas à une uniformisation des préférences vestimentaires globales ?

Selon le Livre noir de la mode d’Audrey Millet, publié en 2021, il existe un système créatif uniformisé, qui repose sur la copie et la standardisation des produits. Les tendances sont dictées par les grands groupes de luxe, qui imposent leurs codes et leurs styles à travers leurs réseaux de distribution et leurs campagnes de communication. Les marques de fast fashion suivent le mouvement, en proposant des vêtements à bas prix, inspirés des défilés et des influenceurs. Les consommateurs, quant à eux, sont influencés par les médias, les réseaux sociaux et leurs pairs, qui les incitent à adopter les mêmes tenues et les mêmes accessoires.

Cette uniformisation a des conséquences sur la diversité culturelle et l’identité personnelle. Certains auteurs dénoncent une machine à broyer les cultures, qui nivelle sur son passage tous les modes de vie et les valeurs[10]. D’autres soulignent les risques d’une perte de créativité et d’innovation, ainsi que d’une banalisation du goût et de l’esthétique. D’autres encore s’interrogent sur la capacité des individus à se différencier et à s’affirmer dans un monde où tout se ressemble.

Appropriation culturelle

La mode est un art qui se nourrit de l’inspiration et de la créativité. Mais parfois, cette inspiration peut être maladroite, voire offensante, lorsqu’elle emprunte des éléments d’une culture sans en respecter le sens, l’histoire ou le contexte. C’est ce qu’on appelle l’appropriation culturelle, un phénomène qui soulève de nombreuses critiques et polémiques.

L’appropriation culturelle consiste à utiliser des éléments d’une culture par une autre culture, souvent dominante, sans en reconnaître ou comprendre l’origine ou l’utilisation correcte. Ce concept repose sur des rapports de domination et d’oppression entre les cultures. Il s’agit d’une forme d’exploitation culturelle et d’invisibilisation de la culture dont les éléments sont empruntés, sans lui verser de contrepartie financière ou économique[11].

L’appropriation culturelle pose plusieurs problèmes dans le secteur de la mode. D’une part, elle crée une inégalité entre les personnes qui portent ces éléments selon leur origine. Par exemple, lorsqu’une personne noire porte ses cheveux au naturel ou avec des tresses traditionnelles, cela est qualifié de « non-professionnel » , à tel point que cela a pu être interdit, comme dans le cas du lycée Bel Air en Guadeloupe. En revanche, lorsque ces mêmes coiffures sont portées par des personnes blanches, elles sont considérées comme tendance ou originales.

D’autre part, elle banalise ou dénature la signification des éléments culturels empruntés. Par exemple, en 2017, la marque Gucci a été accusée d’avoir copié le design d’un turban sikh pour sa collection automne-hiver[12]. Or, le turban sikh est un symbole religieux et identitaire pour les personnes qui le portent, et non un simple accessoire de mode[13].

Les copycats

La mode est un secteur créatif et innovant, mais aussi très exposé à la copie. Les marques de fast fashion, comme Forever 21 ou Zara, sont souvent accusées de plagier les créations des grands couturiers ou des jeunes designers, sans respecter leurs droits d’auteur ni leur identité artistique[14].

La fast fashion repose sur un principe de renouvellement rapide et fréquent des collections, avec des prix bas et une production massive[15]. Pour suivre les tendances et attirer les consommateurs, ces marques s’inspirent largement des défilés de mode ou des réseaux sociaux, en reproduisant les modèles les plus populaires ou les plus originaux[16].

Cette pratique a des impacts négatifs sur le secteur de la mode. Elle nuit à la réputation et à la valeur des créateurs copiés, qui voient leur travail banalisé et dévalorisé. Elle crée aussi une confusion chez les consommateurs, qui peuvent avoir du mal à distinguer les vraies créations des imitations[17]. Elle contribue enfin à l’accélération du cycle de la mode et à la surconsommation de vêtements, avec des conséquences écologiques et sociales désastreuses.

La copie dans la mode est donc un problème complexe et persistant, qui pose des questions éthiques, juridiques et environnementales. Face à ce phénomène, les créateurs de mode cherchent des moyens de se protéger et de se différencier, tout en sensibilisant le public à l’importance du respect de leur travail.

Discrimination

La mode est souvent perçue comme un moyen d’expression et de créativité, mais elle peut aussi être une source de discrimination et d’exclusion. En effet, le secteur de la mode est marqué par des inégalités et des stéréotypes qui touchent les travailleurs comme vu précédemment, mais aussi les consommateurs et les créateurs[18].

Les consommateurs sont confrontés à des discriminations liées à leur genre, leur race, leur classe, leur âge ou leur morphologie. Ils peinent à trouver des vêtements adaptés à leur corps, à leur budget ou à leur identité. Ils subissent aussi la pression des normes de beauté imposées par la mode, qui peuvent engendrer de la honte, de la frustration ou de la violence.

Les créateurs de mode sont sujets à des discriminations liées à leur origine, leur culture ou leur statut. Ils sont confrontés à des barrières à l’entrée du marché, à des difficultés de financement ou à des pratiques de copie ou d’appropriation culturelle. Ils sont aussi marginalisés et sous-représentés dans les médias, les événements ou les institutions de la mode.

La mode source de discrimination est donc une réalité qui affecte de nombreux acteurs du secteur. Elle pose la question du rôle et de la responsabilité de la mode dans la société, ainsi que des moyens de la rendre plus inclusive et plus éthique.

Manque d’inclusivité / grossophobie

La mode tend à imposer un idéal de beauté basé sur la minceur, la jeunesse, la blancheur et l’hétéronormativité, excluant ainsi une grande partie de la population qui ne correspond pas à ces critères[19]. Le secteur de la mode est souvent critiqué pour son manque d’inclusivité et sa grossophobie[20].

Ce manque d’inclusivité se manifeste à plusieurs niveaux : dans la création des vêtements, qui ne prennent pas en compte la diversité des morphologies, des âges, des genres ou des handicaps ; dans la représentation des modèles, qui sont majoritairement blancs, jeunes, minces et cisgenres ; dans la communication des marques, qui véhiculent des stéréotypes et des discriminations.

Un autre problème lié au manque d’inclusivité est le vanity sizing, c’est-à-dire le fait que les marques étiquettent leurs vêtements avec une taille plus petite pour flatter l’ego de leurs clients et les inciter à acheter. Ce phénomène crée de la confusion et de l’insécurité chez les consommateurs, qui ne savent plus quelle taille choisir et qui se sentent mal à l’aise dans leur corps.

Les conséquences de ce manque d’inclusivité sont multiples : il engendre de la frustration, de l’insatisfaction et de la honte chez les personnes qui ne se sentent pas représentées ou valorisées par la mode ; il contribue à renforcer les inégalités et les violences liées au genre, à la race, à la classe ou au poids ; il limite la créativité et l’innovation du secteur de la mode, qui se prive de la richesse et de la diversité des expressions humaines.

Le manque d’inclusivité et la grossophobie dans le secteur de la mode sont donc des problèmes graves et persistants, qui appellent à une prise de conscience collective et à une transformation profonde des pratiques et des mentalités.


[1] https://www.ellenmacarthurfoundation.org/assets/downloads/publications/A-New-Textiles-Economy_Full-Report.pdf
[2] Audrey Millet, Le livre Noir de la mode, p. 138
[3] A planetary boundary for green water, https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8
[4] Mode In Textile : Mobilisation européenne contre la pollution microplastique textile
[5] https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sante-du-quotidien/2860835-consequences-gaz-effet-de-serre/
[6] https://climate.selectra.com/fr/comprendre/effet-de-serre
[7] Le 1 l’hebdo
[8] https://www.ecologie.gouv.fr/substances-impact-climatique-fluides-frigorigenes
[9] https://expertises.ademe.fr/professionnels/entreprises/reduire-impacts/reduire-emissions-polluants/dossier/gaz-fluores/gaz-fluores-sources-demissions-impacts
[10] https://www.cairn.info/identites--9782361063283-page-333.htm
[11] https://www.bloomers.eco/definition-appropriation-culturelle-dans-la-mode/
[12] https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/dior-nike-kim-k-marques-appropriation-culturelle/
[13] https://www.modeintextile.fr/mode-face-a-l-appropriation-culturelle/
[14] https://www.lemonde.fr/m-mode-business-of-fashion/article/2016/05/27/la-mode-tant-copiee-et-si-peu-protegee_4927488_4497393.html
[15] https://www.cairn.info/feuilleter.php?ID_ARTICLE=LCB_KURKD_2021_01_0157
[16] https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/shein-fast-fashion-copie/
[17] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/12/25/la-fast-fashion-se-pare-des-atours-du-luxe_6107275_4500055.html
[18] https://views.fr/2021/07/23/discrimination-industrie-mode/
[19] https://www.liberation.fr/lifestyle/mode-deux-coups-declat-pour-linclusivite-20210220_RNGHJ2JQFFCLJHONON2THWW2CI/
[20] https://www.lesinrocks.com/ou-est-le-cool/grossophobie-dans-la-mode-voici-pourquoi-gabrielle-deydier-en-a-ras-le-bol-188167-09-11-2020/