Rencontre avec Céliane d'Effleure.com

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Rencontre avec Céliane d'Effleure.com

Effleure

Temps de lecture estimé à 3 minutes

Si vous aviez vu la jaquette rose pelucheuse, le bas de pyjama taille douze ans (très, très détendu) et les chaussons turquoise que je portais lorsque j’ai lu l’e-mail qui me proposait d’être la prochaine Invitée de SLOWEARE, vous sauriez que je ne suis pas une fashionista. À vrai dire, simplement me justifier ici me paraît déjà un peu ridicule. J’ai l’impression d’être un panda assurant à ses lecteurs que, non vraiment, il ne se balance jamais d’arbre en arbre et n’a jamais, y croyez-vous, traversé la Manche à la voile.

Mais enfin j’étais là, dans ma panoplie matinale, face à ce message de SLOWEARE, qui m’élevait au rang de fringante représentante de la mode écologique. Je bondissais de joie et d’incrédulité. J’ai tout de même attendu d’être habillée et vaguement peignée pour oser y répondre.

Des images du printemps dernier me sont revenues, à commencer par cette interminable soirée de montage pour la bande-annonce du blog, sur l’ordinateur de mon ami et photographe Kimyan. Il faisait nuit depuis longtemps. Le lendemain matin, nous travaillions tous les deux, mais nous étions encore là, devant les écrans, livides, parce que maintenant que nous avions remarqué que nous n’entendions presque rien au sujet de l’impact de nos habits sur la planète, il fallait bien en parler nous-mêmes.

Alors il y a eu des heures et des heures, et des jours et des nuits de recherche sur les horreurs et les douceurs de ce « monde de brutes » : pollution, exploitation des ouvriers, solutions internationales, espoirs. Je me suis épargnée les documentaires les plus alarmistes lorsque je ne me sentais pas capable de les visionner (car oui, je suis de ces personnes un tantinet impressionnables qui n’ont pas osé ouvrir le robinet de leur salle de bain pendant des mois après avoir vu «Harry Potter et la chambre des secrets »), leur préférant les rapports officiels sur l’industrie de la mode et autres infographies.

Effleure était prêt, j’étais enthousiaste, la vidéo allait être postée. Pourtant au moment de concrètement me repositionner par rapport à la mode, je me rappelle m’être demandé : « Si c’est trop difficile, comment je fais ? ». Je venais d’investir dans une petite robe noire « Made in France », commandée en ligne sur le site « Dressing responsable ». Je me souviens de l’attente surexcitée, comme si ce n’était pas un vêtement mais bien un bébé joufflu qui allait arriver dans ma boîte aux lettres. La robe m’avait coûté vingt ou trente euros de plus que si je l’avais commandée n’importe où ailleurs, mais je savais pourquoi, c’était cohérent et ça m’allait très très bien.

Et puis elle est arrivée, splendide mais trop large à la taille. Je l’ai emmenée chez une couturière de quartier qui l’a resserrée pour encore une trentaine d’euros. La robe était parfaite et moi, maintenant, j’avais dépensé deux fois plus d’argent que d’habitude et je me trouvais naïve. Cela semble anecdotique, une robe, et pourtant… Assise sur le plancher dans ma nouvelle tenue sur-mesure, j’oscillais : et si croire en une mode durable était utopique et que, voilà, il fallait se faire une raison : la grande distribution serait pourrie pour toujours, fin de l’histoire ? Ça  m’apprendrait à suivre mes envies et créer un blog. Un blog ! Non mais vraiment… en plus ça allait me prendre tout mon temps libre. Et au fond, qui étais-je pour parler de mode écologique, je ne suis pas une fashionista et même pas un panda. Peut-être qu’il valait mieux remettre la mise en ligne d’Effleure à la fin de mon stage pour avoir plus de temps, ou attendre d’avoir un vrai salaire, après l’Université, pour m’autoriser des habits de meilleure qualité, peut-être que plus tard

Et puis, par curiosité ou par lucidité, j’ai continué à me répéter que je n’avais pas tout découvert, qu’il existait encore des centaines de solutions éparpillées en Europe et dans le monde. Effleure était né.

Après ça, l’été est arrivé et avec lui les premiers retours de lecteurs et lectrices. Positifs, encourageants ! Et la robe remportait tous les suffrages. Je tournoyais à n’en plus finir pour la faire voleter, tandis que son étiquette « Made in France » restait tout contre mon dos. J’ai prospecté encore et encore. Pour une paire de sandales seulement, je me suis résolue à abdiquer. Je gardais les miennes jusqu’à ce que des trous sous les semelles me poussent à m’en acheter de nouvelles.

À l’automne, j’adoptais mes premiers réflexes, comme regarder les étiquettes des habits, mais aussi des cosmétiques, profiter des vacances pour aller dans les friperies et boutiques écologiques des grandes villes (dont Paris, qui est encore exotique à mes yeux), laver mes jeans moins souvent et avec des produits moins nocifs, et cætera. En décembre, j’ai eu envie d’entrer à nouveau dans les magasins « normaux »,  parce que c’était bientôt Noël et que, les guirlandes, on a beau dire, ça aguiche. J’en ressortais les mains vides, mais sans frustration (j’avais vu les guirlandes, que demander de plus ?), le porte-monnaie plein. J’économisais le prix de deux habits bon marché pour m’offrir un haut de la marque Reformation qui me faisait, et continue à me faire, rêver (conseil d’amie : guettez leurs soldes).

À ce moment-là, Effleure amorçait sa reconversion en « Blog de portraits » et je prenais rendez-vous à tout-va avec des personnes passionnantes, pour vous présenter les portraits les plus variés et inspirants possibles.

Et un beau matin, je me suis réveillée et c’était le printemps. Ça n’avait pas été si compliqué. Pas du tout, en fait. Effleure avait un an et avait vu la mode écologique prendre une ampleur encore jamais atteinte, mais toujours avec une immense marge de progression. Dans quelques jours, nous serons en été et aujourd’hui, en me levant, savoir que je porterai un vêtement qui a une vraie valeur pour moi suffit parfois à me tirer du lit. Enfin, d’abord, pour bien commencer la journée, j’enfile ma jaquette rose pelucheuse.

Céliane, Effleure.com

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